Gorgô

Définition

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 07 août 2014
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Disponible dans ces autres langues: anglais, Turc
Spartan Woman Bronze Statue (by Wikipedia User: Putinovac, Public Domain)
Statue en bronze d'une femme spartiate
Wikipedia User: Putinovac (Public Domain)

Gorgô était la reine de la cité-état grecque de Sparte, fille du roi Cléomène (520-490 av. JC), épouse du roi Léonidas (490-480 av. JC) et mère du roi Pléistarque (480-458 av. JC). Ses dates de naissance et de décès ne sont pas claires, car les femmes n'étaient pas considérées aussi importantes que les hommes pour les historiens qui ont tout raconté son époque.

On pense, d'après les inférences d'Hérodote (c. 484 - 425/413 av. JC), qu'elle naquit en 518 ou 508 av. JC, qu'elle était déjà mariée au roi Léonidas en 490 av. JC et qu'elle survécut à sa mort aux Thermopyles en 480 av. JC. Elle était probablement encore en vie sous le règne de son fils Pléistarque, mais on ne sait pendant combien de temps ni quel rôle elle joua à sa cour.

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Elle était un personnage remarquable de sagesse et d'intelligence et exerça une autorité apparente dans la vie de ceux qui l'entouraient. Son père et son mari écoutaient tous deux ses conseils, et elle est l'une des rares femmes mentionnées par Hérodote dans ses Histoires. L'érudite et romancière Helena P. Schrader écrit :

Le plus remarquable chez Gorgô, épouse du roi Léonidas Ier de Sparte, c'est qu'on ne sait pratiquement rien d'elle. Hérodote et d'autres historiens grecs anciens sont beaucoup plus susceptibles de mentionner les reines perses que les épouses de Grecs — non pas parce que les femmes perses étaient plus puissantes que leurs homologues grecques, mais parce que les Perses avaient plusieurs épouses, et il était donc parfois utile de noter de laquelle un certain personnage perse était née. Étant donné que les Grecs n'avaient qu'une seule épouse légitime, il n'y avait pas besoin d'une telle clarification en ce qui concernait les citoyens grecs de premier plan. Même les noms des reines spartiates sont rarement mentionnés. Nous ne connaissons pas, par exemple, les noms de la mère de Léonidas ou de sa belle-mère, la «deuxième épouse» qui causa tous les problèmes dans la famille Agiad dans la seconde moitié du VIe siècle av. JC.

L'absence quasi totale de femmes grecques dans l'histoire ancienne (par opposition à la mythologie et au drame grecs) est due au fait que les anciens historiens étaient principalement des hommes athéniens de la période classique ou hellénistique. Les Athéniens de ces périodes ne pensaient pas que les femmes devraient être vues — encore moins entendues — en public. Les femmes n'avaient aucun rôle public et ne jouaient donc pas leur place en politique ni dans l'histoire. Comme le dit Periclès dans l'un de ses discours les plus célèbres, «La plus grande gloire d'une femme est de ne pas faire parler d'elle, ni en louanges ni en critiques. » (Thucydides, Histoire de la guerre du Péloponnèse, 2:46.) Gorgô était, selon cette norme, un cas désespéré. (1)

Jeunesse

En tant que jeune fille de la noblesse spartiate, Gorgô aurait été élevée à la cour et formée au chant, à la danse, à la littérature et, surtout, à l'éducation physique. Contrairement aux femmes athéniennes, considérées inférieures aux hommes et reléguées dans leur maison, les femmes spartiates étaient libres de poursuivre leurs études, de posséder des terres, d'initier un divorce et d'aller là où elles le souhaitaient (dans les limites de la raison). On a donc émis l'hypothèse qu'il y eut d'autres femmes aussi notables que Gorgô, probablement beaucoup, dont la vie et les actes n'ont tout simplement pas été enregistrés.

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Le premier récit à son sujet dans Hérodote date de l'âge de huit ou neuf ans (bien qu'on pense qu'elle ait été en fait plus âgée). C'était à l'époque de la révolte des cité-États ioniennes contre la domination perse (vers 499-493 av. JC), qui fut instiguée par le tyran de Milet, Aristagoras, et soutenu par la ville-État d'Athènes. Lorsque la révolte échoua, Aristagoras s'enfuit vers le continent grec, puis vers le Péloponnèse pour obtenir l'aide de Sparte afin de chasser les Perses d'Ionie.

Il offrit au roi de plus en plus d'argent, jusqu'à ce que Gorgô ne dise : « Père, votre visiteur va vous corrompre si vous ne vous levez pas et ne partez pas ». Hérodote

Le roi Cléomène avait déjà renvoyé Aristagoras, refusant sa demande, mais Aristagoras lui rendit visite chez lui et tenta de le soudoyer. Fait intéressant, Hérodote rapporte que Gorgô était présente dans la pièce avec son père quand Aristagoras arriva et, quand Aristagoras demanda au roi de renvoyer l'enfant pour qu'il puisse parler en privé, Cléomène refusa et lui dit de parler librement devant elle.

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Aristagoras lui offrit alors un pot-de-vin substantiel pour son aide, qui fut décliné, alors il offrit au roi de plus en plus d'argent jusqu'à ce que Gorgô ne dise: «Père, votre visiteur va vous corrompre si vous ne vous levez pas et ne partez pas» (Hérodote, 5.51). Cléomènes suivit son conseil et refusa le pot-de-vin d'Aristagoras. Schrader écrit :

Dans aucune ville grecque, sauf Sparte, une femme, quelque fût son âge, aurait été autorisée à être présente, encore moins entendue et prise en compte, lors d'une rencontre entre chefs d'État. Les conseils de Gorgô étaient d'autant plus remarquables qu'ils étaient de bons conseils. C'est l'aide athénienne à la révolte ionienne qui fit déverser la colère de la Perse sur la Grèce continentale, ce qui amena certains à dire qu'il était plus facile d'embobiner trente mille hommes athéniens qu'une fille spartiate (2).

Mariage avec Léonidas

En 490 av. JC, Cléomènes mourut ne laissant aucun héritier mâle pour le trône, et son demi-frère Léonidas devint roi. Léonidas et Gorgô étaient déjà mariés à cette époque, et elle devint donc la reine de Sparte. C'est pendant cette période que se déroula l'autre conte d'Hérodote qui la concerne. Les Perses, sous le roi Darius Ier, tentèrent d'envahir la Grèce en représailles de l'aide d'Athènes aux Grecs ioniens en 490 av. JC, mais furent vaincus lors de la bataille de Marathon.

À la mort de Darius, son fils Xerxès le Grand jura de terminer le travail que son père avait commencé et réunit la plus grande armée jamais mise sur le terrain jusque-là. Lorsque Xerxès préparait sa machine de guerre, un homme nommé Demartus vivait dans la ville perse de Suse. Demartus avait été co-dirigeant avec Cléomènes jusqu'en 491 av. JC quand Cléomènes l'avait forcé à l'exil après un différend politique.

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Demartus eut vent des plans de Xerxès et de sa campagne militaire en Grèce et voulut avertir les Spartiates, mais il ne savait pas comment. Suse était au cœur de l'Empire perse et tout message envoyé vers la Grèce serait très probablement appréhendé par les responsables perses avant qu'elle n'atteigne la frontière.

Leonidas
Léonidas
Marie-Lan Nguyen (CC BY-SA)

Hérodote écrit:

C'était très risqué - et s'il devait être pris ? - et le seul moyen qu'il pouvait trouver pour leur transmettre le message était de prendre une tablette à écrire pliante, de gratter la cire et d'écrire au sujet de la décision du roi sur le bois nu de la tablette. Puis il recouvrit le message avec de la cire fondue afin que, pendant son voyage, la tablette ne suscite pas les soupçons des gardes sur la route. (7.239)

Lorsque la tablette atteignit Sparte et fut amenée au roi, personne ne savait quoi en faire. Alors qu'ils se demandaient pourquoi Demartus leur aurait envoyé une tablette d'écriture vierge et ce que cela pouvait signifier, Gorgô déduisit qu'il s'agissait probablement d'un message codé. Elle suggéra de gratter la cire et, quand ils le firent, ils trouvèrent le message au sujet de l'invasion perse. Ils envoyèrent ensuite un message à Athènes et aux autres cités-États, ce qui permit aux Grecs de se préparer à la guerre.

Si Gorgô n'avait pas compris que le message était sous la cire, les Perses auraient probablement pris la Grèce par surprise ou, du moins, les Grecs n'auraient pas pu se préparer aussi tôt qu'ils le firent. C'est également tout à l'honneur de Léonidas, et de la cour spartiate, de ne pas avoir été assez stupides pour ignorer une suggestion simplement parce qu'elle venait d'une femme. Il est intéressant de spéculer sur ce qui se serait passé si le message avait été envoyé à Athènes plutôt qu'à Sparte.

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Léonidas, bien sûr, deviendrait célèbre pour son ultime résistance aux Thermopyles avec ses 300 Spartiates lors de l'invasion de 480 av. JC. Schrader écrit :

Quand Léonidas marcha pour aller mourir aux Thermopyles, Gorgô lui demanda des instructions. Sa réponse fut un dernier compliment pour elle. Il dit : «Épouse un homme bien et aie de bons enfants». Pas des fils, des enfants. Léonidas ne souhaitait pas que Gorgô le pleure mais qu'elle soit heureuse, et il valorisait autant les filles que les fils — probablement parce qu'il avait appris de Gorgô l'importance de femmes intelligentes et loyales (2).

Anecdotes

Un certain nombre d'anecdotes lui ont été attribuées et elles témoignent d'une femme forte et intelligente. Une fois, lorsqu'elle était en visite à Athènes, une femme lui demanda pourquoi il semblait que seules les femmes spartiates pouvaient contrôler leurs hommes. Elle répondit : «Parce que seules les femmes spartiates donnent naissance à des hommes», ce qui signifie que seule Sparte produisait de vrais hommes.

Le fait qu'elle ait été assez libre pour se rendre à Athènes avec Léonidas, et apparemment prendre part à ses affaires officielles dans la ville, témoigne de la liberté des femmes spartiates en général et du statut de Gorgô en particulier. Après la mort de Léonidas, Pléistarque devint le roi de Sparte et Gorgô disparut de l'histoire.

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Gorgô continue d'être considérée comme l'une des femmes les plus intelligentes et les plus influentes de l'histoire ancienne, non seulement comme l'épouse de Léonidas mais aussi pour ses propres contributions. Elle est présente dans le film La bataille des thermopyles (1962) où son rôle était joué par Anna Synodinou et dans les films 300 (2006) et 300 : Naissance d'un Empire (2014) interprétée par Lena Headey et est dépeinte selon la vision traditionnelle que l'on a d'elle comme une femme forte et noble.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2014, août 07). Gorgô [Gorgo of Sparta]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13140/gorgo/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Gorgô." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le août 07, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-13140/gorgo/.

Style MLA

Mark, Joshua J.. "Gorgô." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 07 août 2014. Web. 06 mai 2024.

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