Société Étrusque

Article

Mark Cartwright
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 14 février 2017
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Disponible dans ces autres langues: anglais, espagnol

L'organisation sociale des anciens Étrusques, une civilisation qui s'épanouit en Italie centrale entre le VIIIe et le IIIe siècle avant notre ère, ne peut être reconstituée qu'à partir d'un ensemble de sources peu satisfaisantes qui, malheureusement, ne comprennent pas de textes écrits par les Étrusques eux-mêmes. Ces sources comprennent de courtes inscriptions, de l'art, des tombes et leur contenu, des graffitis sur poterie et des descriptions d'écrivains grecs et romains qui avaient souvent du mal à comprendre cette étrange culture étrangère et ne pouvaient lui appliquer que de manière inadéquate les termes et concepts qui leur étaient familiers. Néanmoins, en combinant tous les documents historiques dont nous disposons, certains éléments importants de la société étrusque apparaissent clairement: un sens aigu de la famille et de l'héritage, des symboles définissant la règle et le statut, et une attitude plus libérale à l'égard du rôle et des droits des femmes par rapport aux sociétés antiques contemporaines.

Etruscan Mother & Child
Mère étrusque et son enfant
PHGCOM (CC BY-SA)

La famille

La famille et les liens de parenté constituaient probablement l'élément le plus important du tissu social étrusque. La séparation des familles en groupes individuellement identifiables apparaît pour la première fois dans les premiers cimetières des sites étrusques, où chaque village possède plusieurs cimetières, probablement un pour chaque groupe de parenté, une tendance qui persisterait tout au long de l'histoire de la culture. La famille était importante quelle que soit la position sociale, car c'est de ses parents que découlait le statut de chacun, qu'il s'agisse du trône ou d'un établi de poterie.

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La famille était importante quelle que soit la position sociale de chacun, car c'est de ses parents que découlait le statut de chacun, qu'il s'agisse du trône ou d'un banc de poterie.

Entre le VIIe et le VIe siècle avant notre ère, la présence de grandes tombes en pierre bien construites pour certains membres de la communauté et les objets funéraires de grande valeur qu'elles contenaient indiquent qu'une élite riche s'était formée au sein de la société étrusque. Au fil du temps, le nombre de ces tombes augmenta par rapport à l'ensemble des sépultures d'une communauté, ce qui montre que cette élite était passée de quelques chefs tribaux à une classe supérieure à part entière. En effet, la croissance des tombes de l'élite était telle qu'elles furent construites selon des plans de grille ordonnés dans des endroits tels que Cerveteri, créant, en fait, des villes des morts avec leurs propres rues. Le développement de l'exploitation des riches ressources minérales de l'Étrurie et les bénéfices commerciaux qui en découlaient contribuèrent à cette prospérité. Il existait également une élite au sein de l'élite, puisque seulement 2 % des tombes de Tarquinia, par exemple, présentaient des peintures murales coûteuses à l'intérieur. Enfin, de nombreuses tombes furent utilisées par plusieurs générations, ce qui illustre à nouveau l'importance et la pérennité de liens familiaux forts.

Monarchie et aristocratie

Au sommet de l'échelle sociale étrusque se trouvaient les rois. Héritant de leur droit au trône, les premiers rois remplissaient sans doute aussi une fonction religieuse dans une culture où la religion et la politique n'étaient pas séparées. Nous connaissons quelques noms de souverains étrusques: les Tarquins de Tarquinia qui régnèrent sur la première Rome, le clan Tolumnia de Veii, Porsenna, roi de Chiusi, et Mezentius, souverain de Cerveteri. Les rois portaient le titre de lauchume et étaient reconnus par divers symboles et insignes tels qu'un trône ou un tabouret d'ivoire, un sceptre surmonté d'un aigle, le symbole des fasces (hache et verges) et une robe pourpre; tous ces éléments seraient plus tard adoptés par les Romains.

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Vel Saties & Arnza, Francois Tomb
Vel Saties et Arnza, Tombe François, Vulci
Louis-garden (CC BY-SA)

Les rois finirent par céder la place à un conseil des anciens ou à une assemblée de citoyens où les hommes les plus puissants de la ville se réunissaient et débattaient du fonctionnement de leur gouvernement. La richesse de ces individus reposait sur la possession de terres et le commerce. Ils votaient pour un chef parmi eux, le princeps civitatis, qui restait en fonction pendant un an, et, avec lui, divers magistrats chargés d'exercer des fonctions publiques, éventuellement de représenter les intérêts de certaines catégories de la société, et de rendre la justice. Les inscriptions indiquent qu'un magistrat (zilath) pouvait exercer ses fonctions plusieurs fois et qu'il n'y avait pas d'âge minimum. Les hauts magistrats de chacune des grandes villes étrusques se réunissaient une fois par an, mais cela avait probablement plus à voir avec les questions religieuses, car il n'y a aucune preuve d'une politique commune entre les villes.

Autres classes et professions

L'art étrusque, et en particulier les tombes ornées de peintures murales, révèle d'autres couches de la société. Outre la représentation de passe-temps réservés à l'élite, tels que les festins et la chasse, on trouve, soit directement, soit indirectement, d'autres membres inférieurs de la société, tels que les esclaves qui servent lors des banquets, les cuisiniers ou les rabatteurs pendant la chasse, ainsi que les danseurs, les acrobates et les musiciens qui assurent les divertissements. Certains métiers sont également directement représentés, comme les pêcheurs, les prêtres, les bergers et les agriculteurs.

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Nous pouvons donc déduire de ces preuves picturales et de la présence de produits manufacturés dans les tombes que la société étrusque était composée d'esclaves, d'artisans, de métallurgistes, de potiers, des peintres de tombes eux-mêmes, de ceux qui travaillaient la terre (y compris les serfs) et élevaient des animaux (pour eux-mêmes ou pour un propriétaire), de marchands, d'administrateurs, d'une prêtrise et d'une aristocratie. En outre, l'art peut également révéler des attitudes sociales, comme par exemple la convention qui consistait à représenter les esclaves dans les peintures murales comme étant de plus petite taille que les citoyens. De même, les membres de l'élite de la société étaient facilement identifiés dans la vie réelle par rapport à la masse des citoyens ordinaires, grâce à leurs vêtements, leurs chapeaux et leurs divers instruments d'autorité. La signification de ces symboles reste incertaine, mais il est clair que la société étrusque comportait de nombreux niveaux de complexité. Les inscriptions et les conventions de dénomination montrent également qu'il y avait un certain mouvement entre les groupes sociaux, même s'il fallait plusieurs générations pour y parvenir.

Musicians Wall-painting, Tarquinia
Peinture murale de musiciens, Tarquinia
Yann Forget (Public Domain)

Les esclaves

Comme dans les cultures antiques contemporaines, les Étrusques, ou ceux qui en avaient les moyens, utilisaient des esclaves pour toutes sortes de tâches quotidiennes. Pris comme prisonniers de guerre lors de conflits avec d'autres cités étrusques ou avec des communautés extérieures à l'Étrurie, ou simplement achetés aux partenaires commerciaux des Étrusques, ils venaient de toute la Méditerranée et étaient utilisés comme domestiques, travailleurs agricoles, mineurs, ouvriers de carrière, potiers, métallurgistes, soldats et amuseurs. Ils ne sont pas restés complètement anonymes, car certaines peintures de tombes portent parfois le nom d'esclaves représentés dans des scènes de banquet. On peut imaginer que la vie d'un esclave domestique était plus supportable que l'esclavage dans les mines ou à la campagne, et leur logement l'était certainement, puisqu'ils résidaient dans la maison familiale.

Les révoltes d'esclaves impliquaient probablement aussi des citoyens étrusques, car la distinction entre les esclaves, les esclaves affranchis et les ouvriers était difficile à établir.

Sans surprise, les révoltes d'esclaves débouchaient souvent sur un soulèvement armé, en particulier à partir du 4e siècle avant notre ère. Ces révoltes impliquaient probablement aussi des citoyens étrusques, car la distinction entre les esclaves, les esclaves affranchis et les travailleurs était difficile à identifier et sema la confusion chez les écrivains grecs et romains dont les descriptions nous permettent de mieux comprendre le monde étrusque. Denys d’Halicarnasse a décrit de façon célèbre les personnes privées de leurs droits dans la société étrusque comme des personnes libres traitées comme des esclaves. De toute évidence, il existait un fossé important entre les nantis et les démunis, quel qu'ait été leur statut politique et juridique. À l'époque, comme peut-être encore aujourd'hui, seul le pouvoir économique permettait d'exercer une réelle influence politique et d'améliorer son sort.

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Les femmes

Si les peintures des tombes illustrent les plaisirs et les loisirs de l'élite, elles révèlent également une attitude à l'égard des femmes très différente, par exemple, de celle de la culture grecque contemporaine. Bien que les beuveries étrusques, et même les jeux d'après-dîner, aient été inspirés des habitudes grecques, la présence de femmes mariées respectables (identifiées comme telles par les inscriptions), et non de courtisanes, montre que les femmes étrusques jouissaient d'une plus grande liberté sociale que leurs homologues d'autres pays. Dans une peinture de tombeau, trois femmes assistent à une course de chars, ce qui, là encore, n'était pas le cas dans les manifestations sportives grecques.

[Image:6297]

En outre, les documents montrent que les femmes étrusques savaient lire et écrire et qu'elles jouissaient également de droits juridiques plus étendus. En Étrurie, une femme pouvait hériter des biens de la famille s'il n'y avait pas d'homme survivant, ce qui n'était pas le cas en Grèce. La propriété et le droit de boire du vin sont en outre attestés par des graffitis sur des récipients en poterie qui indiquent que la propriétaire était une femme. Le fait que les femmes aient eu leur propre personnalité juridique, pour ainsi dire, est également indiqué par de nombreuses inscriptions où elles sont désignées à la fois par leur prénom et leur nom de famille, une convention que l'on ne retrouve pas, par exemple, dans la Rome antique. Les objets funéraires enterrés avec des femmes de toutes les périodes montrent leur rôle social important en tant que tisserandes, mais il y a même de grandes tombes grandioses construites spécifiquement pour une femme, la tombe Regolini-Galassi de Cerveteri, au milieu du VIIe siècle avant J.-C., en étant le meilleur exemple. Enfin, des sarcophages dont les couvercles portent des figures sculptées de couples décédés montrent le mari en train d'oindre sa femme avec de l'huile, une scène touchante qui n'est pas souvent représentée dans l'art d'autres cultures anciennes.

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Bibliographie

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Mark Cartwright
Mark est un auteur, chercheur, historien et éditeur à plein temps. Il s'intéresse particulièrement à l'art, à l'architecture et à la découverte des idées que toutes les civilisations peuvent nous offrir. Il est titulaire d'un Master en Philosophie politique et est le Directeur de Publication de WHE.

Citer cette ressource

Style APA

Cartwright, M. (2017, février 14). Société Étrusque [Etruscan Society]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1016/societe-etrusque/

Style Chicago

Cartwright, Mark. "Société Étrusque." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le février 14, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1016/societe-etrusque/.

Style MLA

Cartwright, Mark. "Société Étrusque." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 14 févr. 2017. Web. 27 avril 2024.

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