Thoutmôsis III à la Bataille de Megiddo

Article

Joshua J. Mark
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 24 juillet 2017
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Disponible dans ces autres langues: anglais

Le site antique de Megiddo fut le théâtre d'un certain nombre de batailles dans l'Antiquité et est surtout connu comme la source du mot armageddon, le rendu grec de l'hébreu Har-Megiddo ("mont de Megiddo") dans le livre biblique d'Apocalypse 16:16. C'est en fait la seule utilisation du mot dans la Bible et désigne le lieu de la bataille finale entre les forces du dieu chrétien et celles de son adversaire Satan. Megiddo, cependant, est mentionnée au moins 12 fois dans les écritures hébraïques (l'Ancien Testament chrétien) concernant un certain nombre de conflits militaires entre les Israélites et divers adversaires.

Aerial View of Megiddo
Vue aérienne de Megiddo
Photo Gallery Israeli Ministry of Tourism (CC BY-ND)

Cependant, bien avant que les scribes hébreux n'écrivent sur ces batailles, Megiddo était déjà célèbre pour un engagement impliquant une coalition de rois de Canaan et de Syrie en rébellion contre le pharaon Thoutmôsis III (1458-1425 av. J.-C.) d'Égypte. Thoutmôsis III était l'un des plus grands stratèges militaires de l'Égypte ancienne, qui étendit les frontières du pays pour établir l'Empire égyptien et éleva sa nation au rang de superpuissance. Bien que les régions qui devinrent des provinces égyptiennes aient prospéré dans le cadre de cet arrangement, elles ne manquaient pas de chercher tout de même des occasions d'affirmer leur indépendance et de retrouver leur autonomie.

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L'empire égyptien avait été initié par Ahmôsis Ier (c.1570-1544 av. J.-C.) dont la victoire sur les Hyksôs de Basse-Égypte marqua le début de la période connue sous le nom de Nouvel Empire d'Égypte (c. 1570 - c. 1069 av. J.-C.), et tous les pharaons qui lui succédèrent maintinrent ou élargirent les frontières. Thoutmôsis III, cependant, allait aller plus loin que tous les autres. En 20 ans, il mena 17 campagnes militaires réussies, consignées sur les murs du temple d'Amon à Karnak, mais le récit le plus détaillé est celui de sa première, et la plus célèbre, à Megiddo.

Le contexte de la bataille

Thoutmôsis III était le fils et le successeur de Thoutmôsis II (1492-1479 av. J.-C.), mais à la mort de son père, il n'avait que trois ans et sa belle-mère, Hatchepsout (1479-1458 av. J.-C.), occupa le trône en tant que régente. Cependant, peu de temps après avoir assumé cette fonction, Hatchepsout rompit avec la tradition et prit le pouvoir. Thoutmôsis III passa sa jeunesse à la cour de Thèbes, à l'entraînement militaire et à poursuivre le type d'éducation attendu pour un prince du Nouvel Empire.

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Après ses premières années en tant que pharaon, Hatchepsout n'organisa pas de grandes campagnes militaires mais maintint ses forces au maximum de leur efficacité et, lorsqu'il s'en montra capable, promut Thoutmôsis III au poste de commandant de ses forces. Elle fut l'un des monarques les plus puissants, les plus ingénieux et les plus efficaces de l'histoire de l'Égypte et, à sa mort, elle laissa à Thoutmôsis III un pays prospère doté d'une force de combat bien organisée et hautement entraînée.

Thutmose III
Thoutmôsis III
Tjflex2 (CC BY-NC-ND)

Hatchepsout avait maintenu l'empire de manière stable tout au long de son règne, mais à sa mort, les rois de Megiddo et de Cadès se rebellèrent contre son successeur qu'ils semblaient croire faible. Il était en fait assez courant dans le monde antique que des États soumis se soulèvent contre un nouveau souverain afin de profiter de la transition du pouvoir pour gagner leur indépendance. Il est possible, en fait, qu'Hatchepsout ait anticipé ce phénomène dans la mesure où il semble que la première campagne de Thoutmôsis III ait été commandée par elle; cette affirmation est toutefois contestée. La coalition entre les Cananéens de Megiddo et les Syriens de Cadès attira d'autres mécontents de la domination égyptienne, qui rassemblèrent leurs forces à l'extérieur de la ville de Megiddo à la fin de 1458 ou au début de 1457 avant notre ère.

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La bataille de Megiddo

Thoutmosis III ne tarda pas à mobiliser ses forces et à marcher de Thèbes vers la ville. L'armée parcourut près de 250 km en 10 jours et se reposa à Gaza avant de se diriger vers la ville de Yehem où Thoutmôsis III fit une halte pour s'entretenir avec son état-major. Il y avait trois routes qu'ils pouvaient emprunter depuis la ville voisine d'Aruna pour atteindre Megiddo : un col étroit qui obligerait l'armée à marcher en file indienne et deux autres routes plus larges qui permettraient un déplacement plus rapide et plus facile. Les généraux affirmaient avoir des renseignements selon lesquels l'ennemi les attendait au bout du col étroit et, de plus, la progression serait lente et difficile, l'avant-garde atteindrait le lieu de la bataille alors que l'arrière-garde serait encore en marche.

Thoutmôsis III écouta leur conseil mais n'était pas d'accord avec leurs points. Selon le compte rendu de l'engagement conservé par son scribe militaire Tjaneni, Thoutmôsis III s'adressa à ses commandants en disant :

Je jure, comme m'aime, comme mon père Amon me favorise, comme mes narines sont rajeunies par la vie et la satisfaction, que ma majesté ira sur cette route d'Aruna ! Que celui d'entre vous qui le souhaite s'engage sur ces routes dont vous parlez et que celui d'entre vous qui le souhaite vienne à la suite de ma majesté ! Voici", diront-ils, ces ennemis que Râ abhorre, "Sa Majesté s'est-elle engagée sur une autre route parce qu'elle a eu peur de nous ?" - Ainsi parleront-ils. (Pritchard, 177)

Les généraux s'inclinèrent instantanément devant sa décision, puis Thoutmôsis III s'adressa à son armée. Il les encouragea à marcher rapidement sur la route étroite et leur assura qu'il prendrait lui-même la tête du front, en disant : "Je ne laisserai pas mon armée victorieuse devancer ma majesté en ce lieu !". (Pritchard, 177). Les chars et les chariots furent démontés et transportés et les hommes conduisirent les chevaux en file indienne à travers le col pour déboucher dans la vallée de Qina près de Megiddo.

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Megiddo
Megiddo
albedo20 (CC BY-NC-ND)

En fait, la coalition avait supposé que Thoutmôsis III choisirait l'une des routes les plus faciles et avait préparé des troupes pour se défendre aux deux endroits. La décision de Thoutmôsis III de choisir le chemin le plus difficile lui donna l'avantage de l'élément de surprise. Il ne pouvait cependant pas attaquer tout de suite, car la majeure partie de son armée était encore bloquée le long du col d'Arouna. Il faudrait plus de sept heures de marche à l'arrière-garde pour rattraper son roi.

Thoutmôsis III ordonna aux troupes de se reposer et de se rafraîchir près du ruisseau Qina. Tout au long de la nuit, il reçut en personne les rapports des sentinelles et donna des ordres pour l'approvisionnement des troupes et leur mise en place dans la bataille pour le jour suivant. Il positionna son armée de façon à ce que l'aile sud soit sur une colline au-dessus de la rivière Qina et que l'aile nord soit sur une élévation au nord-ouest de Megiddo ; le roi commanderait personnellement l'attaque et dirigerait depuis le centre. Le récit de Tjaneni se lit comme suit :

Sa majesté s'avança dans un char d'or fin, paré de ses attributs de combat, comme Horus, le Puissant des Bras, un seigneur de l'action comme Montu, le Thébain, tandis que son père Amon rendait ses armes fortes... Sur ce, sa majesté l'emporta sur eux à la tête de son armée. Ils [l'ennemi] virent sa majesté l'emporter sur eux et ils s'enfuirent tête baissée vers Megiddo, le visage effrayé. Ils abandonnèrent leurs chevaux et leurs chars d'or et d'argent pour que quelqu'un les fasse monter dans cette ville en hissant leurs vêtements. Or, le peuple avait fermé cette ville contre eux, mais ils ont fait pendre des vêtements pour les hisser dans cette ville. (Pritchard, 179)

Le rapport de Tjaneni note comment, si l'armée avait poursuivi l'ennemi en fuite à travers le champ et l'avait abattu dans sa fuite, la bataille se serait terminée de manière décisive ce jour-là. Au lieu de cela, les soldats "s'abandonnèrent à la capture des possessions de l'ennemi" sur le terrain et permirent à leurs adversaires non seulement d'atteindre le sanctuaire de la ville, mais aussi de monter des défenses (Pritchard, 179). Thoutmôsis III ordonna de creuser un fossé autour de Megiddo et de construire une palissade autour du fossé. Personne à l'intérieur de la ville n'était autorisé à sortir, sauf pour se rendre ou si un officier égyptien l'appelait à parlementer.

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Le siège dura au moins sept mois, peut-être huit, avant que les chefs de la coalition ne rendent la ville. Thoutmôsis III offrit des conditions très généreuses, qui équivalaient à une promesse de la part de ses adversaires de ne pas soulever une autre rébellion contre l'Égypte ; aucun des meneurs ne fut exécuté et la ville fut laissée intacte. Thoutmôsis III priva les meneurs de leurs postes et nomma de nouveaux fonctionnaires, fidèles à l'Égypte, à leur place. Il emmenèrent également leurs enfants en otage en Égypte pour garantir leur bonne conduite. Bien que cela puisse sembler dur, les otages furent bien traités et continuèrent à vivre dans le niveau de confort auquel ils étaient habitués. Les enfants furent éduqués dans la culture égyptienne et, lorsqu'ils atteignaient leur majorité, ils étaient renvoyés dans leurs pays fort de reconnaissance et de loyauté envers le pharaon égyptien.

L'importance de la bataille

La liste du butin ramené en Égypte à l'issue de la campagne, y compris les prisonniers de guerre, les esclaves, les otages, les armes et les armures, les chars en or et en argent, les bijoux et les métaux précieux, ainsi que le bétail, aurait suffi à en faire un triomphe écrasant. Cependant, en plus de mater la rébellion et d'enrichir le trésor égyptien, la victoire permit à Thoutmôsis III de contrôler le nord du Canaan et lui fournit une base à partir de laquelle il pourrait lancer des campagnes en Mésopotamie. Les grands princes des villes mésopotamiennes qui n'avaient pas rejoint la coalition envoyèrent de leur propre chef un tribut à l'Égypte pour s'attirer les faveurs du grand roi guerrier et champion de la bataille de Megiddo - et espérer obtenir sa protection - et sa renommée devint rapidement légendaire.

Le triomphe de Thoutmôsis III sur la coalition de Megiddo établit très tôt sa réputation et assura le succès de toutes ses futures campagnes.

Dans les années qui suivirent, il conquit la Syrie et les terres du Mitanni - qui avaient toutes deux participé au soulèvement de Megiddo - avant de se tourner vers les frontières sud de l'Égypte pour vaincre les Nubiens et étendre les possessions égyptiennes dans cette région. Comme à Megiddo, il compta toujours sur l'élément de surprise et ne fut jamais découragé par les difficultés ou les obstacles à la victoire. Son triomphe sur la coalition à Megiddo établit très tôt sa réputation et garantit le succès de toutes ses campagnes futures, car l'ennemi savait d'avance qu'il avait affaire à un adversaire invincible.

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La bataille donna probablement à penser à l'auteur de l'Apocalypse, car la description des forces de Satan et de Dieu dans le récit biblique est similaire à celle de la coalition et de l'armée de Thoutmôsis III dans l'inscription officielle de Tjaneni à Karnak. Dans les deux cas, les auteurs décrivent les forces victorieuses du bien sur la coalition du mal rassemblée. Il ne fait guère de doute que le scribe qui rédigea l'ouvrage biblique connaissait la bataille de Megiddo, puisque le récit de la grande victoire de Thoutmôsis III contre les forces combinées de ses ennemis demeura bien connu de tous pendant des siècles.

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Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Joshua J. Mark
Auteur indépendant et ex-Professeur de Philosophie à temps partiel au Marist College de New York, Joshua J. Mark a vécu en Grèce et en Allemagne, et a voyagé à travers l'Égypte. Il a enseigné l'histoire, l'écriture, la littérature et la philosophie au niveau universitaire.

Citer cette ressource

Style APA

Mark, J. J. (2017, juillet 24). Thoutmôsis III à la Bataille de Megiddo [Thutmose III at The Battle of Megiddo]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1101/thoutmosis-iii-a-la-bataille-de-megiddo/

Style Chicago

Mark, Joshua J.. "Thoutmôsis III à la Bataille de Megiddo." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le juillet 24, 2017. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1101/thoutmosis-iii-a-la-bataille-de-megiddo/.

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Mark, Joshua J.. "Thoutmôsis III à la Bataille de Megiddo." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 24 juil. 2017. Web. 29 avril 2024.

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