Demeures des morts : Les columbariums de la Rome impériale

Article

Francesca Santoro L'hoir
de , traduit par Priscilia Barbuti
publié le 03 novembre 2014
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Disponible dans ces autres langues: anglais, italien

View from Staircase of Central Pillar and Loculi, Columbarium 1, Vigna Codini
Vue depuis l'escalier du pilier central et des loculi, Columbarium 1, Vigna Codini
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

Un columbarium est une structure souterraine que les Romains utilisaient pour conserver les cendres des défunts. Aux Ier et IIe siècles de notre ère, des centaines de columbariums jalonnaient les voies consulaires menant à Rome, mais seules deux douzaines subsistent encore aujourd'hui. Soigneusement aménagés, dotés de plafonds en stuc, de murs ornés de fresques et de sols en mosaïque, les columbariums ne sauraient être confondus avec les catacombes, ces longues et tortueuses galeries souterraines percées de cavités rudimentaires et taillées à même le tuf pour accueillir les inhumations. Le columbarium, en tant qu'espace isolé et bien délimité, se prête parfaitement à une analyse des rites funéraires et des coutumes commémoratives de Romains de l'Antiquité rassemblés autour du même objectif: la crémation, la sauvegarde et la commémoration des dépouilles mortelles de leurs défunts.

Le recours massif aux columbariums est un phénomène propre à la ville de Rome, bien que de petits columbariums se rencontrent également en Étrurie et en Campanie. Leur construction en très grand nombre semble être liée à la réforme voulue par Auguste des lois archaïques de Rome en matière d'inhumation. La fermeture du cimetière de l'Esquilin et de ses puticuli - ou fosses communes - aux odeurs fétides (et la transformation ultérieure de ces espaces en jardins publics) encouragea de nouvelles approches en matière de gestion des corps. Les columbariums constituaient une solution économique et satisfaisante pour répondre à la demande d'une population toujours plus nombreuse d'esclaves et d'affranchis.

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Columbariums et groupements funéraires

Les columbariums bénéficiaient du soutien de diverses personnalités, telles que l'empereur lui-même, des membres de la famille impériale ou des familles sénatoriales. Cependant, nombre d'entre eux étaient financés par des communautés indépendantes d'esclaves, d'affranchis, de membres des cohortes urbaines et de personnes sans liens apparents entre elles, mais qui plaçaient leurs ressources en commun pour former un groupement funéraire : le columbarium des Trente-six Associés, autrefois situé le long de la Via Latina et aujourd'hui disparu, en est un exemple. Ces groupes, qui se réunissaient régulièrement, faisaient office à la fois de clubs sociaux et d'associations commémoratives qui garantissaient à un membre décédé une incinération dans les règles et le dépôt des cendres dans un espace réservé.

La crémation proprement dite se déroulait au sein d’un ustrinum, espace qui accueillait le bûcher funéraire (on trouvait notamment un ustrinum aux dimensions exceptionnelles, de la taille d'un terrain de football, à hauteur de la cinquième borne de la Via Appia). Si le défunt en avait les moyens, sa dépouille était enveloppée dans un linceul constitué d'amiante pour éviter que les ossements ne se mêlent au bois calciné du bûcher (le Vatican conserve un exemple de ce type de linceul). Une fois les cendres refroidies, les os incinérés étaient soigneusement recueillis et placés dans une urne cinéraire, laquelle était ensuite disposée dans la niche qui lui était réservée. Les débris consumés du lit et du bûcher, en revanche, étaient déposés dans un contenant spécial en terre cuite et enfouis sous le dallage du columbarium (le Musée du Capitole en abrite un exemplaire contenant les fragments calcinés de cupidons en ivoire provenant d'un lit funéraire).

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Cremated Ivory Cupids from a Funeral Couch, Rome
Cupidons en ivoire calcinés provenant d'un lit funéraire, Rome
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

Les membres payaient et réservaient une place au sein d'un columbarium, qu'ils considéraient alors comme leur demeure d'éternité personnelle (la comparaison de l'urne cinéraire à une véritable habitation est illustrée par de nombreuses urnes en marbre représentant des maisons dotées de toits en tuiles, de fenêtres et de portes). Les assemblées, où se mêlaient les questions d'organisation, d'entretien, de réglementation et même de décoration, sont à rapprocher de celles des associations de copropriétaires d'aujourd'hui, où se discute l'entretien des logements des adhérents. Même sur le plan structurel, les columbariums sont analogues à des condominiums pour défunts, où se succèdent des rangées de niches en demi-lune (loculi) abritant les vases (ollae) contenant les cendres et s'alignant comme des petits appartements donnant sur une cour centrale.

Columbarium 1 at Vigna Codini: Loculi & Central Pillar
Columbarium 1 à Vigna Codini : Loculi et pilier central
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

En qualité d'institutions à caractère funéraire, les columbariums témoignent d'une égalité sociale notable dans la mesure où leurs membres, d'origine servile pour la plupart, élisaient des représentants (appelés decuriones), chargés de présider les réunions de l'association. Beaucoup de celles-ci étaient, en fait, organisées sur le modèle des gouvernements civils : outre les decuriones, étaient élus des "ministres" qui se voyaient confier des tâches spécifiques, telles que l'organisation et le financement de la décoration ou de l'entretien des sols en mosaïque, des fresques murales, des escaliers, des jardins, des tonnelles, des cadrans solaires et des puits. Les columbariums les plus riches disposaient même de cuisines attenantes. Dans les faits, ces associations funéraires apparaissent comme de rares exemples d'institutions démocratiques dans une Rome par ailleurs autocratique, puisque leurs membres votaient sur des sujets tels que l'adhésion, le règlement, les affectations et la distribution des ollae et, bien sûr, la décoration de leur future résidence d'éternité.

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Les fêtes commémoratives, telles que les Parentalia, les Rosalia et les Dies Violae, étaient l'un des piliers des groupements funéraires antiques, dont la fonction la plus cruciale était de veiller à ce que les membres disparus soient dûment honorés les jours de célébration des morts. À ces occasions, les vivants se réunissaient pour garnir les niches de fleurs, allumer des lampes à huile et verser des libations de miel et de vin. Ces libations étaient versées directement sur les os incinérés après avoir soulevé le couvercle de l'urne ou, dans les plus petits columbariums qui ne permettaient pas un accès aux ossements, par des conduits en terre cuite qui émergeaient des urnes situées sous terre. Dans les columbariums où les loculi étaient scellés, les offrandes étaient déposées dans des plats et des lampes à huile étaient allumées à la mémoire des défunts. En ces occasions commémoratives, les participants organisaient un banquet dans un triclinium agencent, ou bien célébraient l'événement sous les treillis des jardins attenants aux salles qui abritaient les cendres des membres défunts (la fresque d'un columbarium de la Via Portuensis illustre ce type de repas en plein air, avec des amis ou des membres de la famille jouant à la balle). Ces célébrations remplissaient un double objectif : le divertissement des vivants et la commémoration de ceux qui les avaient précédés dans la mort.

Giovanni Battista Piranesi: Etching of a Columbarium
Giovanni Battista Piranèse : Gravure d'un columbarium
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-ND)

Taille et configuration des columbariums

Les columbariums se présentaient sous diverses tailles et configurations. Certains étaient gigantesques, comme le columbarium des affranchis de Livie, aujourd'hui disparu (connu uniquement par des gravures du XVIIIe siècle. Ses épitaphes ornent aujourd'hui les murs du musée du Capitole de Rome), et le columbarium des affranchis d'Auguste, aujourd'hui en ruines. Tous deux pouvaient accueillir jusqu'à 3 000 urnes. Ces vastes édifices furent créés pour recevoir les restes des "familles" d'esclaves et affranchis impériaux. D'autres, comme les trois columbariums encore debout de Vigna Codini, qui pouvaient contenir chacun 600 à 700 ollae, étaient gérés par des groupes qui comptaient aussi bien des esclaves et des affranchis appartenant à la famille impériale que d'autres qui n'entretenaient aucun lien avec l'auguste institution. Les occupants de ces columbariums semblent en réalité avoir formé des communautés composées de personnes étrangères les unes aux autres.

Beaucoup de columbariums étaient de taille relativement modeste. C'est par exemple le cas de celui de Pomponius Hylas, où les noms inscrits témoignent d'un regroupement de personnes sans liens apparents ; la chambre magnifiquement ornée de fresques contient des emplacements pour les restes d'environ 150 à 300 défunts. Beaucoup de ces petits columbariums du Ier siècle étaient la propriété de familles et de personnes de leur entourage, ou de membres de collegia, comme la corporation des joueurs de scabellum (Collegium Scabellorum) ou celle des hérauts (Collegium Praeconum). Le IIe siècle offre des exemples de columbariums encore plus petits, n'abritant que deux à quatre loculi, comme les minuscules exemples, construits de façon éparse au sein d'un vaste cimetière et qui se trouvent aujourd'hui sous le garage du souverain pontife, au Vatican.

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Certains columbariums révèlent des signes d'achat et de vente de niches, soit à des fins d'investissement, soit pour un usage personnel. C'est le cas du columbarium découvert en 1840 à Vigna Codini et qui atteste d'un intense commerce d'urnes cinéraires : des tractations commerciales y furent intégralement consignées sous forme d'épitaphes inscrites sur des plaques de marbre et mentionnant non seulement le nom du propriétaire en titre - la personne commémorée - mais également celui de tous les précédents propriétaires d'une ollae. Une telle description détaillée des noms des acheteurs et des fournisseurs refléterait-elle une loi funéraire oubliée ? Les preuves écrites démontrent que ce commerce ne se limitait pas à ce seul columbarium, qui fait état d'une douzaine de ventes de ce type par des hommes et des femmes, dont un certain Lucius Pinarius qui pourrait avoir été un " négociant d'ollae d'occasion ", et qui vendit au moins quatre loculi dans ce columbarium. La revente d'urnes cinéraires, dont les restes des précédents occupants avaient été jetés, est évoquée par des inscriptions provenant d'autres columbariums aujourd'hui disparus et qui faisant la promotion d'ollae virgines ou d'urnes en terre cuite de première main.

L’architecture des columbariums se caractérise par sa diversité. Les plus grands possédaient des escaliers menant aux galeries supérieures et dont les consoles de marbre soutenaient des balcons en bois destinés à faciliter les visites et le versement de libations ou le dépôt de lampes funéraires par les parents ou les amis des défunts. Les columbariums les plus imposants étaient souvent dotés de piliers centraux de plan carré ou circulaire, qui remplissaient une double fonction : soutenir le plafond et offrir un espace supplémentaire pour les loculi. Beaucoup de ces chambres étaient semi-souterraines et éclairées par des puits de lumière situés au ras du sol ; de longs escaliers permettaient de descendre dans leurs obscures profondeurs. D'autres columbariums comme celui du parc de la Via Latina ou le columbarium de la Villa Wolkonsky (résidence de l'ambassadeur britannique à Rome) comptaient plusieurs étages, avec une salle de réception ou une salle à manger au sommet, et les étages intermédiaires et inférieurs réservés aux niches et aux urnes.

The Columbarium at the Villa Wolkonsky, Rome
Le columbarium de la Villa Wolkonsky, Rome
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

Les épitaphes et inscriptions des Columbariums

De prime abord, les épitaphes des columbariums paraissent simples, mais nombre d'entre elles présentent des singularités qui témoignent des efforts déployés pour personnaliser les commémorations au milieu de ce qui pouvait sembler être des macrocosmes impersonnels, en raison de l'ampleur de certains columbariums. Non content de présenter des informations telles que le sexe, l'âge, le statut social et la profession, les épitaphes précisent le titre de propriété de loculi adjacents, voire de rangs et de colonnes entières de niches. D'autres éléments commémoratifs spécifient également les personnes autorisées à voir leur urne déposée dans un espace réservé et celles qui en étaient exclues, qu'il s'agisse d'un membre de la famille, d'un esclave ou d'un héritier, soit parce que celui-ci disposait déjà de sa propre tombe, soit parce qu'il avait offensé le propriétaire, comme le montre une épitaphe qui accorde à tous le droit d'accès à une niche à l'exception de "Secundina, cette affranchie ingrate".

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Les inscriptions présentes dans les columbariums démontrent de manière récurrente l'importance de préserver l'identité d'un individu. Bien que certaines épitaphes ne mentionnent que la profession et le nom du défunt ainsi que celui du propriétaire du loculus, d'autres, comme celles figurant dans le majestueux columbarium jadis recouvert de marbre découvert en 1852 à Vigna Codini, témoignent d'une réelle préoccupation pour le statut social. L'on pouvait être esclave - même l'esclave d'un esclave, ou l'esclave d'un affranchi - mais on n'en était pas moins esclave de la haute société romaine. On trouve un tel exemple dans l'épitaphe en hommage à la fillette de trois ans de l'esclave d'une esclave en charge de la garde-robe d'Agrippine, mère de l'empereur Néron ; le père de l'enfant était quant à lui l'esclave de Narcisse, célèbre affranchi et secrétaire en charge de la fonction publique pour le compte de l'empereur Claude.

Columbarium 3 at Vigna Codini: View of Double Staircase
Columbarium 3 à Vigna Codini : Vue du double escalier
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

D'autres épitaphes vantent les talents ou les aptitudes particulières du défunt. C'est le cas du fou de Tibère, Mutus-Argutus, qui souligne avoir fait rire l'empereur en imitant des avocats renommés en train de plaider. Ces efforts pour préserver l'individualité se manifestent également de façon plus simple, par exemple à travers l'élargissement de la taille des lettres d'une inscription, pour la rendre plus visible parmi toutes les autres épitaphes d'un columbarium.

Dans les columbariums les plus grands, la quatrième rangée en partant du bas - située juste un peu au-dessus de la hauteur des yeux - ou la zone située sous la voûte de l'escalier, semblent avoir été les emplacements privilégiés à des fins commémoratives, si l'on en croit les inscriptions. Certaines épitaphes achetées à l'avance fournissaient même des indications précises sur la façon de trouver un loculus particulier, même si dans l'un des columbariums, la question de l'accès semble avoir été réglée par quelqu'un en inscrivant un grand "X" dans le mur de stuc pour marquer l'emplacement d'une niche particulière. De tels procédés témoignent des efforts entrepris par certains pour se distinguer dans ce qui, en dépit des efforts pour occulter cette réalité au travers de la poésie ou par des ornements imitant la vie domestique, restait dans les faits de vastes entrepôts destinés aux morts.

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Rabbit Eating Leaves, Blackbird Eating a Cricket, Columbarium of Scribonius Menophilus
Lapin mangeant des feuilles, merle mangeant un grillon, columbarium de Scribonius Menophilus
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

Fresques et stucs des columbariums

Contrairement à aux cimetières extérieurs qui incitent le passant à s'arrêter pour lire une épitaphe, un columbarium était avant tout un lieu privé qui n'était pas destiné à être vu de tous. Seuls les membres du groupement, qu'ils soient ou non des parents ou des amis, voyaient ces épitaphes, ou plutôt, ne faisaient que les distinguer à la faible lumière d'une lampe à huile. En dépit de leur caractère isolé, les columbariums romains révèlent une grande diversité de motifs et de décors, comme s'ils étaient destinés à être appréciés par tous : des fresques finement exécutées - les représentations joyeuses d'oiseaux, de lapins, d'instruments de musique, de pygmées des régions du Nil, de bêtes et de personnages dansants semblables à des marionnettes, comme ceux du columbarium de Scribonius Menophilus - semblent être la règle plutôt que l'exception. Ce dernier columbarium, découvert en 1983 sur le domaine de la Villa Doria Pamphilj, conforte en outre la justesse du témoignage fourni par un observateur du XVIIe siècle quant à un columbarium voisin de la Via Aurelia, aujourd'hui disparu (de tels témoignages restent toujours sujets à caution). Pietro Santo Bartoli, antiquaire et graveur, décrit un columbarium doté d'un sol en mosaïque représentant des hommes légèrement vêtus, coiffés de chapeaux coniques, dansant en brandissant des instruments. Ces figures sont semblables à celles qui caracolent sur les murs du columbarium voisin de Menophilus, que Bartoli ne pût voir puisqu'il la structure resta enfoui du Ier siècle de notre ère jusqu'à son excavation au XXe siècle.

Dancer with Conical Hat Holding Noisemaker, Columbarium Villa Pamphili
Danseur coiffé d'un chapeau conique brandissant un instrument bruiteur, Columbarium Villa Pamphili
Archivio Fiorenzo Catalli (CC BY-NC-ND)

La diversité iconographique des fresques et des stucs des columbariums romains, qui entretiennent l'idée d'un environnement domestique fictif, imite les thèmes des peintures murales des habitations de l'époque augustéenne. Ils mettent en scène non seulement des animaux, des oiseaux et des danseurs, mais dépeignent également des paysages sacrés/idylliques, des masques de théâtre et des représentations de comédies et de tragédies. Les sujets analogues affichés sur les urnes en marbre, dont certaines prennent elles-mêmes l'aspect de maisons, sont autant de témoignages de la vision antique des columbariums comme demeures des morts.

Fresco of Duck and Tripod, Columbarium 3, Vigna Codini
Fresque du Canard et du Tripode, Columbarium 3, Vigna Codini
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

Pillage, destruction et transformation des columbariums

Étudier les columbariums, c'est aussi se pencher sur l'histoire des pillages des monuments antiques et celle de la lutte continue entre archéologie et développement urbain durant le XIXe et le début du XXe siècle. En effet, si de nombreux columbariums furent mis au jour dans les environs de Rome dès le XVe siècle, la majorité d'entre eux furent rasés sans distinction presque aussitôt après leur découverte. À travers ses gravures datant du XVIIIe siècle, l'artiste Piranèse livre un témoignage quant au pillage systématique des édifices. Cette entreprise de destruction acharnée s'est poursuivie et achevée au cours des deux siècles suivants. Les archéologues, qui répertoriaient les caractéristiques et particularités, se livraient à une course effrénée pour collecter les informations avant que les équipes de construction ne coulent les fondations en béton des vastes projets urbanistiques de la Rome du XIXe siècle. Mais les ennemis les plus sournois de la majeure partie des columbariums qui ont survécu restent sans doute le temps et la négligence.

Columbarium Being Stripped Bare by 18th-Century Treasure Hunters
Un columbarium démantelé par des chasseurs de trésors du XVIIIe siècle
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-NC-SA)

Quelques édifices connurent un sort plus favorable : parmi eux, les trois gigantesques columbariums de Vigna Codini, la petite chambre de Pomponius Hylas et le columbarium partiellement en ruine du tombeau des Scipions - tous situés entre la Via Latina et la Via Appia - et ceux de Doria Pamphili sur le Janicule, dont celui de Scribonius Menophilus, remarquablement bien conservé ; sans oublier le curieux regroupement de columbariums datés du IIe siècle, sous le parking privé du Vatican.

D'autres encore ont connu de curieuses métamorphoses : le columbarium de la famille d'esclaves d'Auguste, sur la Via Appia, déjà transformé en commerce de vin lorsque Piranèse le vit, abrite aujourd'hui un restaurant où il est possible de dîner en compagnie des morts (si l'on considère la tradition des banquets organisés dans les columbariums, les défunts auraient certainement approuvé sans réserve). Un ensemble de columbariums situé sur la Via Portuensis constitue désormais l'élément central du Drugstore Museum. Avec son supermarché, son bar, sa discothèque et son concessionnaire de voitures d'occasion - tous regroupés autour des columbariums du IIe siècle de notre ère, lesquels sont propres, bien éclairés et soigneusement mis en valeur - le Drugstore Museum peut sembler fantaisiste, mais il constitue en réalité une expérience du professeur Fiorenzo Catalli de la Soprintendenza Archeologica di Roma relative à la préservation des monuments antiques - l'idée consistant à construire autour, et non par-dessus les vestiges archéologiques.

Relativement peu d'épitaphes sont encore in situ. On en trouve cependant des exemples dans des gravures des XVIIe et XVIIIe siècles, comme celles de Bartoli et de Piranèse, dans des rapports de fouilles des XIXe et XXe siècles et dans les milliers d'inscriptions recensées dans le volume VI.2 du Recueil général des inscriptions latines. Cette profusion de témoignages nous offre un aperçu fascinant de la vie et de la mort des " gens de rien " de l'époque julio-claudienne, dont les noms et les existences sont inconnus de l'historien Tacite ou du biographe Suétone. Mais à travers leurs épitaphes, ces habitants des columbariums de Rome - hommes, femmes et enfants omniprésents, mais invisibles au coeur de l'Empire romain - prennent momentanément corps sous nos yeux en tant qu'éternels occupants des demeures des morts.

Fresco of Bird and Dangling Grotesque Mask, Columbarium Vigna Codini 3
Fresque de l'Oiseau et du masque grotesque en suspension, Columbarium Vigna Codini 3
Francesca Santoro L'hoir (CC BY-ND)

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Traducteur

Priscilia Barbuti
Passionnée d'art, d'histoire et de science depuis toujours, j'ai fait le choix d'étudier l'archéologie avant de m'orienter vers le domaine des technologies 3D et considère comme essentielle la diffusion des savoirs auprès du plus grand nombre.

Auteur

Francesca Santoro L'hoir
Ancienne professeure d'université et membre de l’Académie américaine de Rome, 1997.

Citer cette ressource

Style APA

L'hoir, F. S. (2014, novembre 03). Demeures des morts : Les columbariums de la Rome impériale [Death's Mansions: The Columbaria of Imperial Rome]. (P. Barbuti, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-764/demeures-des-morts--les-columbariums-de-la-rome-im/

Style Chicago

L'hoir, Francesca Santoro. "Demeures des morts : Les columbariums de la Rome impériale." Traduit par Priscilia Barbuti. World History Encyclopedia. modifié le novembre 03, 2014. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-764/demeures-des-morts--les-columbariums-de-la-rome-im/.

Style MLA

L'hoir, Francesca Santoro. "Demeures des morts : Les columbariums de la Rome impériale." Traduit par Priscilia Barbuti. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 03 nov. 2014. Web. 26 avril 2024.

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